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Desc: A-t-on bien entendu Frederic Nietzsche lorsqu'il posait en 1879 et comme "point de dรฉpart" que sa philosophie devait "commencer non par l'รฉtonnement, mais par l'effroi" ? A-t-on vraiment compris Fรฉlix Guattari lorsqu'il pronostiquait en 1989 dans "Les Trois Ecologies" que "l'implosion barbare n'est nullement exclue" (signalant dans le mรชme ouvrage la dangerositรฉ d'un "businessman" nommรฉ Donald Trump) ? A-t-on mesurรฉ l'enjeu de ce que Gilles Deleuze thรฉorisait trois ans avant le lancement du "world wide web" comme avรจnement des sociรฉtรฉs de contrรดle ? A prรฉsent que "l'รฉvรฉnement Anthropocรจne" (dont Heidegger avait apprรฉhendรฉ les contours sous le nom de "Gestell"), l'รฉpreuve de la post-vรฉritรฉ, le dรฉsespoir que cela suscite et tout ce qui constitue l'immense rรฉgression en cours accablent tout un chacun, il apparaรฎt que la pensรฉe sous toutes ses formes est "absolument dรฉmunie". Elle arrive trop tard. Et cette fois-ci son retard serait fatal ร l'humanitรฉ - et, au-delร , ร toutes les formes supรฉrieures de la vie. Il n'est cependant jamais trop tard pour "panser". Et si la pensรฉe est dรฉmunie, c'est parce qu'elle a cessรฉ de se penser comme soin : comme panser. Mais "qu'appelle-t-on panser ?"
Language : Franรงais
Si j'รฉcris ce commentaire, c'est en partie pour rรฉpondre ร celui qui me prรฉcรจde, et qui malgrรฉ sa prรฉtendue Agreg (de philo ?), ne sait pas รฉcrire "Ereignis" (รฉvรฉnement), un terme fondamental en allemand et en franรงais, du moins en philosophie. Alain Juranville, quoi qu'on pense de lui, a d'ailleurs fait de ce terme le titre d'un ouvrage paru il y a quelques annรฉes, auquel je renvoie notre philistin pompeux de la culture, auquel je m'adresse ici. Quoi que l'on pense de Heidegger en cherchant ร pAnser les plaies, et de Nietzsche pourtant rรฉfรฉrรฉ dans cet ouvrage, ร tort ou ร raison, comme un des prรฉcurseurs du pressentiment de l'Anthropocรจne, il n'en reste pas moins certain que la pensรฉe, autrefois accablรฉe par le jugement judicieux de "dรฉfaite" par Finkielkraut, subit aujourd'hui une dรฉbรขcle, et ce n'est ni le philosophaillon ร l'Agreg trรจs pompeux, ni le premier gilet jaune rรฉvolutionnaire venu, qu'aurait d'ailleurs dรฉtestรฉ Nietzsche, qui invalideront cette petite remarque. Lacan a correctement orthographiรฉ la pensรฉe par "pAnser", mais peut-รชtre le bรฉotien s'en moquera bien, car ร qui s'adressait le grand psychanalyste franรงais ? Certainement pas ร des pseudo-rรฉvolutionnaires manipulรฉs par le Kremlin, les rรฉseaux sociaux, les "forums" dont il dรฉclara dรจs 1976 son รฉtymologie (la foire), c'est-ร -dire le thรฉรขtre hystรฉrique de la foi et des actes de petite foi. Eh oui, c'est รงa aussi la culture, pas seulement celle acadรฉmique oรน l'on se prend un revers narcissique par un Bernard Stiegler visionnaire, mais aussi les arcanes des interviews. Les autres termes (jugรฉs "abscons" par l'agrรฉgรฉ susmentionnรฉ et pour le gilet jaune lambda), comme Gestell, Dasein et autres, (il faut lire "รtre et Temps" dans la traduction de Martineau... quand on n'est pas germaniste...), pour peu communs et peu percutants soient-ils pour l'entendement commun, n'en sont pas moins fort opรฉrants dans le "mental" et nos structures, nos sociรฉtรฉs dรฉmocratiques marquรฉes par le "ressentiment", l'esprit de "vengeance" et la "dรฉcadence", comme tenait ร les รฉcrire Nietzsche directement en franรงais dans son texte manuscrit. Il faut mentionner aussi au nommรฉ "Chandler" ironique, que les noms allemands prennent une majuscule en tรชte de mot, mais je vois que l'individu est peu familier avec cette langue qu'il se prend ร juger chez l'usage qu'en fait un Stiegler ; eh non, Monsieur, "die Kehre" est "le tournant" (opรฉrรฉ chez Heidegger), c'est un terme heideggerien important inutile ร dรฉgrossir ; de mรชme, il n'est nullement un nรฉologisme, pas plus que "Gestell", "Gedanke", ni mรชme "dyade" (cf le Nรฉoplatonisme interprรฉtatif du Parmรฉnide de Platon) ; d'autre part, un nรฉologisme comme "dรฉnoรฉtisation" est recevable, il renvoie sans doute ร la noรฉtique grecque puis scolastique et au terme "nous" (l'intellect, chez Aristote en particulier). Qu'un Agrรฉgรฉ (de philo ?? Attention, l'Alzheimer guette...) s'en prenne ainsi ร un รฉcrivain de talent et fort actif, comme Stiegler, douรฉ de sens pragmatique et รฉthique (ce n'est pas le cas de toute conscience sur la planรจte) montre bien ce que Nietzsche (pres)sentait dรจs son รฉpoque. Sommes-nous rendus ร la figure quasi gรฉnรฉralisรฉe et normative du "dernier homme" (dans le prologue du Zarathoustra) ?Hannah Arendt disait de ces personnes estimables qui au cours de la derniรจre guerre avaient cachรฉ des Juifs ร leurs risques et pรฉrils, que par lร -mรชme "ils avaient pensรฉ", de par leur acte รฉthique, et sans pour autant รชtre philosophes... ni avoir une Agreg de philo. Sans doute Arendt rรฉpondait-elle lร ร Heidegger et ร son comportement peu moral, voire antisรฉmite et intellectualiste, idรฉologique, au point de congรฉdier excessivement la science dans son "Qu'appelle-t-on penser ?".Le tort peut-รชtre de Stiegler est de se focaliser sur les technologies comme impacts quasi uniques de notre civilisation ; s'il a pleinement conscience de l'Anthropocรจne et donc du fait que l'histoire humaine n'est plus sรฉparรฉe strictement de l'histoire naturelle, il n'empรชche pas moins qu'il se montre acerbe ร l'รฉgard de ceux qui "rรฉsistent" ; or je crois intimement qu'une conscience "รฉcologiste" sans accointance avec le capitalisme, la croissance, le PIB, les รฉnergies renouvelables (une vรฉritable intox), est la seule perspective d'avenir sur cette planรจte condamnรฉe par un cancer avancรฉ ; on ne peut pas continuer les stratรฉgies extractiviste, productiviste et consumรฉriste qui sont les nรดtres, ainsi qu'un capitalisme mondialisรฉ qui se donne parfois des raisons d'รชtre messianique, derriรจre son universalisme. L'Occident a pรฉchรฉ lourdement en voulant "dominer" et "maรฎtriser la Nature" (dรจs le christianisme puis Descartes et l'apparition de la science moderne, jusqu'au capitalisme de ces deux derniers siรจcles en passant par un Adam Smith qui s'illusionnait gravement en รฉcrivant que "les ressources naturelles sont inรฉpuisables").Notre civilisation est narcissique.Les citoyens sont plutรดt des consommateurs et des producteurs ร la fois, sur la toile "des consciences", ils participent, ce sont des "contributeurs", et ils se croient autorisรฉs d'ajouter juste une รฉtoile ร un ouvrage qui les dรฉpasse, comme si d'ailleurs la question de la philosophie se rรฉsumait ร celle d'une adhรฉsion. Nous ne sommes pas ร un jury de l'Agreg, ici !! Nous aimerions qu'Internet soit un peu plus honnรชte !!Les penseurs sont des pAnseurs, soit. Mais pas des psychanalystes pour autant ni tous des gens bien conscients de la catastrophe planรฉtaire qui s'annonce.Lisez Philippe Bihouix ("Quel futur pour les mรฉtaux ?") et autres Pablo Servigne ou Guillaume Pitron, Normand Mousseau...De l'antimoine, nous n'en avons plus que pour 15 ans dans nos rรฉserves miniรจres.Du cuivre, 30 ans tout au plus.La transition รฉnergรฉtique et numรฉrique est une vaste intox et elle dรฉplace qui plus est les enjeux gรฉostratรฉgiques.Ni Macron, ni les gilets jaunes obnubilรฉs par le socio-รฉconomique, ni mรชme Stiegler que je dรฉfends assez ici malgrรฉ tout, n'ont compris cet aspect qui fait que nous sommes sur une courbe de Gauss. On produit, on produit, la croissance augmente mais elle n'est pas indรฉfinie dans un monde fini ; puis nous rencontrons un mur. Et entre ce mur et nous, il y a un fossรฉ dans lequel nous sombrons plus vite que nous avons grimpรฉ "de l'autre cรดtรฉ". De ceci, Bernard Stiegler en a compris beaucoup, il sait depuis toujours que les choses vont mal finir, mais jamais je n'irai me moquer (parce que je ferais mine de ne rien avoir compris malgrรฉ mes plusieurs bac+5) d'un tel auteur prolifique et surtout trรจs activiste.
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